Mehdi Gmar (CNRS) : « nous allons déployer une direction dédiée à l’analyse des données au sein du CNRS »

(c) Cyril Frésillon - CNRS Images
Le CNRS a signé le 25 mars un Contrat d’objectifs de moyens et de performance (COMP) avec l’État pour la période 2024-2028. Constitué de six défis transverses, il s’inscrit dans la continuité du précédent contrat 2019-2023 en matière d’actions. Il a pour ambition de replacer l’innovation au service de la société. Explications sur les ambitions de ce COMP et sur les autres initiatives pour l’innovation avec Mehdi Gmar, directeur général délégué à l’innovation du CNRS.
POC Média : Le CNRS s’est engagé sur les cinq prochaines années avec l’État par l’intermédiaire d’un COMP. Qu’est-ce que cela implique pour la Direction générale déléguée à l’innovation ?
Mehdi Gmar : Dans la continuité du contrat d’objectifs précédent, le nouveau COMP retranscrit la mission du CNRS de favoriser l’innovation au service de la société. Au-delà des déclinaisons du programme en une feuille de route, il repose sur deux grands piliers en matière d’innovation : d’une part, l’accompagnement de la communauté de recherche dans l’innovation, et d’autre part, l’aide aux entreprises pour accéder au savoir scientifique et être en mesure de développer des produits et services d’intérêt. Pour ce faire, nous avons continué à développer des programmes d’accompagnement, des outils et des financements pour accompagner nos chercheurs et booster les collaborations avec les entreprises.
Quelle typologie d’entreprises le CNRS souhaite-t-il adresser et pour quels types de collaborations ?
Le CNRS a vocation à travailler avec tout type d’entreprises, et l’organisme offre un éventail de collaborations pour répondre à l’ensemble des besoins du monde économique par différents modes de collaboration: contrat bilatéral, accord-cadre, laboratoire commun, etc. Les entreprises nous confient qu’il y a un avantage compétitif de signer avec un organisme national de recherche comme le CNRS, car cela permet de se projeter sur le long terme.
La signature de ce COMP va-t-il conduire à des recrutements ou des réorganisations ?
Dans le cadre de ce nouvel engagement, nous souhaitons déployer une direction dédiée à l’Analyse des données sur l’innovation au sein du CNRS, ce qui amplifiera la mission qui était confiée à la Direction des opérations (DOPS). Elle a pour mission d’utiliser les données métiers que nous possédons, de les exploiter et traiter afin d’en générer des analyses prospectives. Nous souhaitons nous appuyer sur des outils d’IA sur étagère pour être plus efficace. Le temps gagné par les solutions d’IA permettra de dialoguer davantage avec les chercheurs sur le volet de l’innovation et de la recherche.
Le temps gagné par les solutions d’IA permettra de dialoguer davantage avec les chercheurs sur le volet de l’innovation et de la recherche.
Mehdi Gmar
En parlant de sensibilisation et d’accompagnement des chercheurs à l’innovation, où en est le déploiement du réseau d’ingénieurs transfert du CNRS ?
À l’heure actuelle, nous avons un réseau de 80 ingénieurs transfert déployés dans les territoires et coordonné au niveau national. Leur objectif premier est de nouer un contrat entre un laboratoire et une entreprise, en identifiant un sujet de collaboration. Ce qui génère un flux financier pour le CNRS compris en moyenne de 60 000 à 70 000 euros. Nous avons donc constaté une augmentation du nombre de contrats, de l’ordre de 20 à 30 %, soit 20 millions d’accords noués. Mais il faut avoir à l’esprit que le programme a moins de trois ans, avec un changement important de paradigme. Il s’agit d’une dynamique qui s’enclenche.
Comment ce réseau d’ingénieurs transfert s’articule avec les SATT ou les PUI ? Quelles sont les conséquences de l’intégration des SATT aux PUI pour le CNRS ?
Les ingénieurs transfert servent le site sur lequel ils sont déployés, ils apportent donc des moyens supplémentaires en coordination avec les autres actions comme celles des SATT. Cela permet de mutualiser les forces pour permettre aux chercheurs souhaitant valoriser leurs recherches d’être plus efficaces. En termes de conséquences du rapprochement entre les SATT et les PUI, cela ne change rien pour le CNRS. En tant que membre fondateur de 27 des 29 PUI, nous sommes impliqués dans la réorganisation du modèle. Ce qui est le plus pertinent c’est de capitaliser sur ce qui a été construit, et nous aurons besoin de l’expertise des SATT. Il faut veiller à ce que les moyens humains soient toujours présents.
Nous avons donc constaté une augmentation du nombre de contrats, de l’ordre de 20 à 30 %, soit 20 millions d’accords noués.
Mehdi Gmar
Peut-on faire un point sur les autres programmes initiés par le CNRS comme OPEN, PISE et RISE ?
Le programme OPEN sur la valorisation des logiciels libres vient d’officialiser sa deuxième promotion avec sept nouveaux projets sélectionnés. Les deux premières éditions devraient permettre d’améliorer le prochain appel à projets prévu en fin d’année 2025. En ce qui concerne le programme PISE (projets à impact sociétal et environnemental), l’annonce des lauréats aura lieu le 1er juillet prochain. Pour cette édition, nous avons reçu une cinquantaine de candidatures pour des projets de réduction d’inégalités éducatives ou sur le changement climatique, dont certains d’une grande maturité. Cela a surtout permis aux chercheurs des SHS d’envisager le transfert sur le volet économique. Quant au programme d’accompagnement RISE, la 13e promotion a été annoncée à l’occasion du salon Vivatech. Dans ce cadre, nous avons organisé un déjeuner avec des investisseurs en guise de mise en réseau.
En matière d’innovation, la valorisation sans propriété intellectuelle trouve-t-elle un écho spécifique dans la communauté des chercheurs ?
En matière de valorisation, il faut s’interroger sur le meilleur vecteur qui permet d’avoir le plus d’impact. Et cela ne signifie pas forcément par l’exploitation d’un actif de propriété intellectuelle, cela peut aussi passer par de la diffusion de compétences ou de connaissances pour accroître la compétitivité d’une entreprise. La force du CNRS réside dans le fait de disposer d’un volume conséquent de ressources scientifiques fondamentales pour être libre de « foisonner » et de travailler avec de nouveaux espaces de liberté.