Carole Chrétien (CNRS) : « certaines entreprises vont bénéficier d’opportunités »

29 avril 2020

Carole Chrétien, directrice des relations avec les entreprises ©CNRS

Afin d’assurer la traduction des recherches du centre en solutions concrètes sur le terrain, le CNRS a mis sur pied un comité ad hoc, et mobilisé ses connexions avec le monde économique. Carole Chrétien, directrice des relations entreprises du CNRS, revient pour nous sur sa stratégie face au Covid-19, et sur les évolutions nécessaires du CNRS.

Comment la crise du Covid-19 a-t-elle affecté votre activité ?
Le personnel du CNRS a d’abord dû s’organiser en interne pour continuer à travailler. Dans mon service, d’une vingtaine de personnes, nous sommes passés rapidement en télétravail, et nous avons profité de ce moment, entre autres, pour suivre des formations internes. Puis il a fallu assurer la continuité des recherches, des laboratoires et des infrastructures de recherche. Certains de nos laboratoires opèrent dans le domaine de la santé, et il a fallu attendre les directives des ministères pour mettre en place leurs différents projets.
 
Comment les relations avec les entreprises ont-elles évolué ?
C’est seulement dans un troisième temps que nous avons agi pour assurer les relations avec les entreprises. Il y avait bien sûr des travaux en cours. Nous avons fait le point sur les projets que nous devions suspendre ou pas. Puis le CNRS a mis en place le comité Care@CNRS (rebaptisé depuis CRACOV), qui est le miroir du comité Care (Comité analyse, recherche et expertise, présidée par Françoise Barré-Sinoussi) chargé de conseiller l’Élysée. Sandrine Ayuso, responsable des filières économiques en santé, y est notre représentante. Ce comité permet de faire remonter les initiatives des laboratoires du CNRS et des entreprises partenaires qui peuvent être utiles contre le Covid-19.
 
Le rôle des entreprises est-il central pour faire face à l’urgence de la situation ?
Oui, nous avons eu très vite besoin des entreprises. Cela a été le cas, par exemple, pour les valves trachéales développées par le laboratoire (I2M) de l’Université de Bordeaux. Les hôpitaux avaient besoin de près de 1000 valves par jour. Pour les produire, le directeur du laboratoire s’est adressé à la cellule Care, qui nous a remonté le projet. Nous avons ainsi identifié la bonne entreprise. En peu de temps, nous avons mis en relation le bon laboratoire avec la bonne entreprise. Ce type de projet prend des mois habituellement.
 
Est-ce qu’il est simple en ce moment de contacter les entreprises ?
Oui, car nos relations reposent beaucoup sur la personnalisation, c’est très artisanal. Je me suis adressée la plupart du temps directement aux industriels ou aux fédérations professionnelles. Par exemple, pour un projet de nouveau réactif chimique, nous avons identifié le syndicat des principes actifs, qui pouvait nous aider à obtenir certains éléments. Autre exemple : une entreprise d’horlogerie s’est adressée à la cellule Care@CNRS, car elle avait conçu des visières de protection, mais ne savait pas à qui les distribuer. Nous les avons mis en contact avec la Facs (Fédération nationale des dispositifs de ressources et d’appui à la coordination des parcours en santé), pour l’aider. Nous avons également mis à leur disposition notre service de transport de matériaux dangereux, utilisé habituellement par les laboratoires pour convoyer ces visières.
 
Est-ce que vos besoins concernent essentiellement des aspects de production ?
Non. Par exemple, en début de semaine, un de nos laboratoires a fait une découverte concernant un élément sur lequel un grand laboratoire pharmaceutique travaille. Ceci peut être utile aux recherches menées sur le Covid-19. Ce laboratoire était en quête d’un industriel. J’ai réussi à contacter l’entreprise en passant par une connaissance personnelle, ainsi que par un syndicat professionnel. Après, la recherche et les laboratoires pharmaceutiques sont naturellement très proches, ils n’ont pas tout le temps besoin de nous pour travailler ensemble. Care est là pour accélérer les projets quand il existe un besoin, mais il ne faut surtout pas centraliser le traitement des demandes des entreprises.
 
Comment souhaitez-vous faire évoluer vos pratiques une fois la crise achevée ?
Nous sommes déjà en train d’analyser la crise. Nous avons la conviction qu’il va y avoir des entreprises en difficulté, et certaines vont bénéficier d’opportunités. Nous devons appréhender les deux. Sur la partie difficultés, il faut que nous sachions si une entreprise va devoir retarder ou différer son projet scientifique, ou si elle va devoir l’arrêter. Côté opportunités, nous allons analyser tous les impacts sur nos programmes scientifiques collaboratifs, avec plusieurs prismes : les filières économiques, les grands comptes, les initiatives territoriales en France et à l’étranger, ainsi que les conditions de financements européens.
 
Comment allez-vous utiliser ces résultats ?
Nous voulons présenter ces travaux aux pouvoirs publics, afin de porter la voix de la science dans le débat à venir sur la reconstruction économique de la France, et de ses filières qui seront prioritaires. Nous ne pouvons pas relocaliser des industries sans qu’elles soient liées à des capacités de recherche. Par exemple, il n’y a aucun intérêt à ouvrir de nouveaux ateliers de fabrication de masques en France. En revanche, nous voulons inventer le masque du futur, par exemple transparent et hermétique.
 
Le CNRS a-t-il tous les outils pour aller dans ce sens ?
Les projets que nous avons pu mener dans cette période sont exemplaires en terme de résultats, et ont montré notre réactivité, et notre capacité à mobiliser le réseau du CNRS. Cela nous a aidé également à identifier des points d’amélioration de nos process et de nos activités. Par exemple, la prospective économique scientifique n’est peut-être pas assez présente dans nos travaux.

Propos recueillis par Florent Detroy

Ce qu’il faut retenir : 

  • Le CNRS a créé la cellule Care@CNRS, cellule miroir de la cellule Care mise en place à l’Élysée sur le Covid-19
  • Cette cellule est chargée d’accompagner les chercheurs du CNRS à la recherche de relais industriels
  • Le CNRS veut peser sur les futurs plans de relance et de reconstruction

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