Armines veut répondre à la deuxième vague du Covid-19

20 mai 2020
Prototype de respirateurs réalisé par l'entreprise italienne Elemaster ©Mechanical ventilator Milano

Prototype de respirateurs réalisé par l'entreprise italienne Elemaster ©Mechanical ventilator Milano

Les points à retenir : 

  • La France veut créer une filière industrielle autour du projet de respirateur du MVM
  • L’entreprise Fluigent est en train de construire les premiers prototypes
  • Des tests cliniques devraient être lancés en cas de succès

Cristiano Galbiati, physicien à l’Institut des sciences du Gran Sasso (GSSI), s’est mobilisé très tôt pour participer à la lutte contre le Covid-19. Confiné à Milan, le scientifique veut répondre à la pénurie de respirateurs qui frappe la région, et se met en quête d’une solution. Son atout principal, c’est d’être intégré dans un réseau international de chercheurs de pointe. Mais pas en santé. Sa communauté, la Global Argon Dark Matter (GADM), travaille sur un unique sujet de recherche : la matière noire.

L’objectif : un respirateur simple et abordable
Pourtant, le chercheur en physique des particules a une intuition : pour produire un respirateur rapidement, il faut qu’il soit simple. Il a ainsi l’idée de reprendre le design d’un modèle inventé en 1961, en l’optimisant. Cristiano Galbiati mobilise alors son réseau international sur son projet baptisé désormais Milano Ventilatore Meccanico (MVM). En quelques jours, des chercheurs de renom se mobilisent, comme le Canadien Arthur B. McDonald, lauréat du prix Nobel de physique en 2015.

« La force de son idée, c’est qu’elle n’était pas innovante »

Davide Franco 


Le projet MVM se veut effectivement très simple, fonctionnant ne fonctionnant qu’avec une source d’oxygène comprimé et un contrôle de pression connecté. « La force de son idée, c’est qu’elle n’était pas innovante », explique Davide Franco, partenaire du projet. Le consortium conçoit un respirateur avec un nombre limité de composants, connus et disponibles sur le marché, pour faciliter la production et limiter les coûts.

En moins de 10 jours, un prototype est créé. Fin mars, l’entreprise italienne Elemaster commence à tester le projet à l’hôpital de Monza.

[Découvrez les premières images du projet en Italie ici]

Le projet : Une filiale industrielle Made in France 
Le projet a des ramifications dans un grand nombre de pays. En France, c’est le chercheur Davide Franco, du laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/Université de Paris), et membre du GADM, qui participe au projet. « J’ai travaillé sur la partie analyse des données », explique-t-il.

Très vite, les autorités françaises veulent créer une véritable filière industrielle du respirateur à partir de ces travaux, pour prévenir une éventuelle deuxième vague. Deux nouveaux acteurs entrent alors en jeu, chargés de pré-industrialiser le respirateur :

➢    Mines ParisTech (Institut Carnot M.I.N.E.S), via le Centre thermodynamique des procédés (CTP) et le Centre automatique et systèmes (CAS) ;
➢    Subatech (CNRS/Université de Nantes/IMT Atlantique), spécialiste de la physique nucléaire.

La valorisation : Armines chef d’orchestre
L’atout de Mines ParisTech, c’est d’avoir une connaissance en mécanique, en contrôle/commande et en fluidique, trois secteurs essentiels pour concevoir un respirateur. « Les chercheurs pouvaient ainsi interpréter les choix qui avaient été faits, et les transmettre aux industriels », explique Paolo Stringari, du CTP, et coordinateur du projet en France. Ils sont épaulés dans leur tâche par Armines, structure partenaire de Mines ParisTech en charge de la valorisation (voir interview ci-dessous).

De son côté, le laboratoire Subatech apporte ses contacts, parmi lesquels des acteurs de la santé, comme le CHU de Nantes, pour la préparation des tests cliniques. « Nous avions la possibilité de réaliser des tests avec un simulateur de respirateur, ce qui permettait de ne pas prendre trop de temps aux équipes médicales des CHU », explique Mariangela Settimo, chercheuse à Subatech.

« Nous avons élargi notre champ de recherche
en nous adressant notamment à de grands industriels
du territoire, comme Airbus ou Manitou »

Laurent Aubertin

Industriels : le pôle EMC2 ouvre son carnet d’adresses
Reste à trouver des partenaires industriels. Mines ParisTech utilise son précieux carnet d’adresses. Le laboratoire Astroparticule et cosmologie travaille déjà avec plusieurs grands noms de l’énergie, comme Air Liquide ou Total. Le groupement cherche également d’autres relais. Pour ce faire, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation joue les entremetteurs.

Le ministère contacte plusieurs acteurs, comme les pôles de compétitivité, les fédérations professionnelles, les clusters d’entreprises, Bpifrance, le Medef… Un des acteurs les plus intéressés s’avère être le pôle EMC2, spécialisé dans les technologies de production. Il réalise une liste des entreprises capables d’apporter un « plus » technologique au projet. « Nous avons élargi notre champ de recherche en nous adressant notamment à de grands industriels du territoire, comme Airbus ou Manitou. Il y avait une vraie envie de participer de la part de ces acteurs », explique Laurent Aubertin, directeur des opérations au pôle EMC2. Plusieurs entreprises de la région nantaise, comme Fluigent, spécialiste des systèmes microfluidiques, Sitia ou encore Sepro, rentrent ainsi dans le projet.

Résultat : Dans l’attente de la certification
Aux États-Unis, le transfert vers les industriels est allé très vite. Ayant bénéficié de l’autorisation de développer le produit délivrée par la Food and Drug Administration (FDA), le consortium aurait même reçu une commande de 10 000 respirateurs.

En France, les chercheurs travaillent encore sur les enjeux de certification de l’appareil au niveau européen. Mais le développement du respirateur avance bien. Fluigent est en train de réaliser les premiers prototypes du respirateur, en en assumant une grande partie des coûts. Avant de pouvoir lancer des premiers tests cliniques.

Par Florent Detroy

Trois questions à Jean-Clément Guisiano, Armines

La structure en charge du développement des partenariats industriels auprès de Mines ParisTech, notamment, a joué un rôle central dans l’identification d’industriels capables de rejoindre le projet MVM. Jean-Clément Guisiano, responsable soutien à l’innovation & développement d’Armines, revient pour nous sur les spécificités du projet MVM.

POC MediaQuel a été le rôle d’Armines dans le projet MVM ?
J-C.G
. Trois services d’Armines ont participé au projet, le service du développement des partenariats, le service juridique et le service de soutien à l’innovation et au développement, le mien. Le service juridique a notamment travaillé sur la partie propriété intellectuelle, en particulier sur la licence d’usage développée par les porteurs du projet. Nous n’avons pas de cliniciens à Armines, nous n’avions donc pas la possibilité légale de réaliser des tests  cliniques sur le respirateur. Nous avons dû contacter des CHU, des hôpitaux…nos juristes ont encadré ce que nous pouvions faire.

Quelle a été la valeur-ajoutée d’Armines dans ce projet ?
Notre valeur-ajoutée a été notre capacité à réagir dans un délai extrêmement court. En trois jours, le dossier pour l’AID (Agence de l’innovation de défense) était bouclé. Il aurait pris plusieurs semaines en temps normal. Après, nous avons l’habitude de travailler dans l’urgence, il n’est pas rare que des chercheurs viennent nous demander de répondre à un appel le jour de la date limite de dépôt des dossiers.

Est-ce qu’Armines est à l’origine de l’entrée d’industriels dans le projet ?
Oui, l’entreprise qui a intégré le projet, Fluigent, collabore depuis des années avec le CAS (Centre automatique et systèmes). Mais pour ce projet, nous sommes aussi sortis de notre réseau classique de partenaires, en mobilisant aussi des pôles, Bpifrance…nous avons pu valider le fait d’avoir un réseau que nous pouvions actionner rapidement afin de solliciter des industriels.

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