Philippe Véron, AiCarnot : « Les entreprises n’ont pas encore suffisamment le réflexe de faire appel à la recherche publique » 

11 février 2020

Les points à retenir : 

  • 89 % des dirigeants interrogés considèrent que les chercheurs sont compétents
  • 30% des entreprises ont le réflexe de faire appel à la recherche publique 
  • Le « Pacte Carnot 2030 pour l’innovation des entreprises » élaborent plusieurs pistes pour soutenir la recherche public/privé

En septembre et octobre 2019, l’association des Instituts Carnot et OpinionWay ont conduit un sondage sur les relations entre les entreprises et la recherche publique auprès de 520 entreprises et 80 start-up. Le sondage présente plusieurs axes forts, sur le rôle de la recherche face aux grands enjeux économiques et sociaux, sa compétitivité par rapport aux autres pays développés, sur sa capacité à répondre aux besoins des entreprises et sur les freins aux collaborations. Philippe Veron, directeur de l’institut Carnot ARTS et président de l’Association des instituts Carnot, revient pour POC Media sur les premières conclusions à tirer de ce sondage.

Quels enseignements forts retirez-vous de ce sondage ?

Le premier enseignement d’importance est que les dirigeants d’entreprise ont une bonne image de la recherche publique. Ils considèrent que ses chercheurs sont compétents, pour 89 % des dirigeants interrogés, et que la production de connaissances et technologies est de grande valeur, pour 83 % des sondés. Il faut donc poursuivre nos efforts collectivement pour conforter cette image qui est essentielle pour l’avenir. Deuxièmement, la R&D est considérée comme un levier pour le développement économique et l’innovation des entreprises, pour 74 % des sondés. Par ailleurs, les entreprises n’ont pas encore suffisamment le réflexe de faire appel à la recherche publique pour soutenir leur R&D et leurs projets d’innovation. Seuls 30 % y ont pensé, et 20 % l’ont fait. À noter que, parmi les 2/3 des entreprises qui n’ont pas recours à la recherche publique, 67 % invoquent le manque d’accessibilité et de visibilité. Il y a donc, là encore, un challenge à relever collectivement, même si des progrès significatifs ont été accomplis dans ce sens, grâce notamment au dispositif Carnot. Enfin, les entreprises qui font appel à la recherche publique en ont un niveau de satisfaction très élevé, à 82 %.

Il faut fluidifier l’accès à la recherche publique

Philippe Véron

70 % des entreprises ne voient pas « en quoi [la recherche publique] pourrait leur être utile ». Quels types d’entreprises pourraient profiter de la recherche publique et l’ignorent encore ?

Les PME et ETI « traditionnelles » qui vivent depuis 10, 20 ou 30 ans sur une bonne innovation originelle, qui n’ont pas ou peu innové depuis. Il faut les amener à l’innovation sous peine de les voir disparaître face à la concurrence. Au-delà, il faut apporter une offre globale et structurée de compétences et moyens de recherche aux grandes entreprises qui ne nous connaissent que partiellement. On pourrait aller beaucoup plus loin si elles avaient une meilleure appréhension de la richesse de l’offre globale de la recherche publique et de l’apport qu’elles pourraient en tirer. Il faut donc fluidifier l’accès à la recherche publique et être capables de mobiliser toutes les compétences nécessaires pour répondre aux attentes et besoins pressentis au sein d’une grande entreprise.

47 % des entreprises interrogées mettent les avantages fiscaux en tête des meilleurs moyens d’encourager les collaborations. Quelles pourraient être les pistes d’améliorations ?

En France, les entreprises peuvent bénéficier de subventions publiques pour développer une partie de leurs innovations et accroître leur compétitivité. Un de ces mécanismes, le CIR, favorise l’engagement des entreprises, notamment les PME et les ETI. Ce dispositif, qui rencontre un grand succès, est essentiel et peut encore être amélioré, notamment sur le plan de la qualité des travaux de R&D qui sont menés par les entreprises bénéficiant du CIR.

52 % des start-up ont eu recours à la recherche publique, contre moins de 30 % pour les autres entreprises. Comment expliquez-vous cet intérêt des start-up ?

Elles sont souvent issues de la recherche publique, et la connaissent assez bien. La recherche partenariale ne leur fait pas peur et elles ont conscience qu’elles en ont besoin pour leur croissance et leur survie. À noter que le poids du CA de la recherche publique avec les start-up reste encore faible dans l’absolu, par rapport à celui réalisé avec les grandes entreprises (71 %) ou des PME et ETI à plus de 25 %.

Quelles sont les pistes concrètes d’améliorations que les instituts Carnot pourraient suivre pour répondre aux réticences exprimées par les entreprises ?

Les principales pistes sont tracées dans notre « Pacte Carnot 2030 pour l’innovation des entreprises ». On peut citer, par exemple, l’organisation et la structuration de l’offre des compétences de recherche des Carnot par secteur d’activité (filières industrielles) avec démarche marketing et commerciale proactive vers les entreprises, notamment celles qui ne nous connaissent pas encore. Nous pouvons également citer la conduite d’une politique active de développement de démonstrateurs et de showrooms. Enfin, nous nous sommes engagés à mettre en place des actions de dérisquage des projets de recherche pour les PME et les ETI (levée des verrous technologiques par la réalisation d’une preuve de concept sans apport financier de la part des PME/ETI), les PME/ETI s’engageant à financer la suite du projet de recherche si la preuve de concept donne satisfaction.

Propos recueillis par Florent Detroy

Retrouvez les autres actualités thématiques de poC média

Inscription Newsletter

Vous souhaitez suivre l'actualité des technologies deeptech ?

Recevez gratuitement une newsletter par semaine

Je m'inscris
Fermer