Pascale Augé (Inserm Transfert) : « Il y a eu un “effet Covid” sur la propriété intellectuelle »

22 juin 2020

Inserm Transfert, filiale de valorisation de l’Inserm, a été en première ligne dans la lutte contre la Covid-19. Alors que sa maison-mère était la tête de pont de la recherche sur la covid-19, via le réseau REACTing, Inserm Transfert a assuré la connexion des projets avec le monde économique, tout en répondant aux besoins spécifiques des industriels de la santé. Le président du directoire d’Inserm Transfert revient, pour POC Media, sur ces trois mois intenses vécus par ses équipes.

POC Media. Quel rôle l’Inserm Transfert a-t-il joué dans la crise sanitaire ?

Pascale Augé. Nous avons tout de suite été sollicités pour soutenir l’Inserm, notamment à travers le réseau REACTing. Nous avons participé à la mise en place de l’essai européen Discovery. Nous avons dû travailler en un temps record, parfois en contractualisant des partenariats avec les industriels en moins de 24 ou 48 heures. Nous avons également travaillé sur le moyen d’impliquer des industriels dans la mise en place de partenariats public-privé spécifiques autour des cohortes. 

Qu’est-ce qui intéressait les industriels à travers ces projets ?

Dans le cadre de ces projets, nous sécurisions l’accès aux données, qui ont une valeur très importante pour les industriels. Par exemple, une entreprise impliquée dans le projet Discovery a pu confronter les données de santé des patients de cette étude pour renforcer les données qu’elle possédait sur le coronavirus. 

Comment contractualise-t-on l’acquisition de données médicales par une entreprise ? 

Nous demandons d’abord à l’industriel pour quelles raisons il souhaite utiliser ces données. Dans tous les cas, l’accès aux données de santé est strictement encadré ; il n’y a pas d’accès direct. Il se fait à travers la mise en place d’un projet de recherche spécifique. Il n’est pas possible d’acheter des « kilos de données ». Nous demandons également à l’industriel d’identifier les données qui l’intéressent, avant que le projet soit lancé. Le partenariat prend aussi en compte le travail nécessaire pour acquérir ces données, et ce qu’elles lui permettent de réaliser.

Quels types de projets Inserm Transfert a-t-il traités en majorité pendant la crise ? 

Nous avons beaucoup travaillé sur les diagnostics avec les industriels. Le point important, pour eux, était d’accéder aux données pour améliorer ou valider leurs tests. Nous avons notamment travaillé avec l’Ariis (Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé).

La crise vous a-t-elle permis de nouer de nouvelles relations avec le monde économique ? 

Nous connaissons bien les industriels de la santé, et nous n’avons pas forcément créé de nouvelles relations ou vu de nouveaux entrants avec la Covid-19. En revanche, nous avons noté beaucoup d’intérêt de leur part pour les solutions de diagnostics. De nombreuses unités mixtes de l’Inserm travaillent sur les diagnostics, pour détecter la présence du coronavirus. Ils ont, par exemple, recherché des biomarqueurs sur la tempête cytokinique, sur les moyens de la détecter et de la prévenir. Nous avons commencé également à étudier des projets thérapeutiques sur de nouvelles molécules ainsi que sur des approches vaccinales, notamment à travers notre soutien aux chercheurs pour répondre à plusieurs appels à projets européens. 

De nombreux appels à projets ont été lancés pour répondre à la crise sanitaire. Est-ce que l’Inserm Transfert en a profité ? 

Nous avons aidé des chercheurs à répondre à certains, mais nous ne connaissons pas tous les appels à projets auxquels ont répondu les chercheurs de l’Inserm. Pendant la crise, nous avons surtout poursuivi notre activité de sourcing. Habituellement, ceci consiste à rencontrer les chercheurs en one to one, afin d’évoquer leurs recherches. Avec la crise sanitaire, du jour au lendemain, les laboratoires ont été fermés et les chercheurs se sont retrouvés chez eux avec plus de temps que d’habitude, par exemple pour se consacrer aux sujets d’innovation. Nous avons ainsi pu multiplier les échanges. Il y a eu un « effet Covid » sur la propriété intellectuelle et le sourcing. Avec les outils informatiques, nous avons pu nous organiser avec eux, la distance n’a pas été un obstacle.

La crise vous a-t-elle permis de rencontrer davantage de chercheurs ? 

Nous rencontrons en moyenne plus de 550 chercheurs par an. La disponibilité des chercheurs pendant le confinement nous a effectivement permis d’en rencontrer de nouveaux, que nous n’avions jamais rencontré ou pas rencontré depuis des années.

Comment l’urgence de la situation a-t-elle modifié votre façon de travailler ? 

En matière de projets de recherche, les chercheurs de l’Inserm travaillent sur des programmes qui demandent des temps de développement très longs. Ils ne peuvent pas répondre à des appels qui exigent des résultats à court terme : un ou deux mois. Notre valeur ajoutée lors de la crise a davantage résidé dans notre capacité à contribuer à la réflexion sur les prérequis des projets de recherche, notamment pour les tests PCR et sérologiques. 

Que souhaitez-vous conserver de cette période ?

Nos relations avec les industriels ont évolué. La notion d’urgence a accentué notre proximité, alors que nous ne pouvions paradoxalement pas nous rencontrer physiquement. Il y a eu une logique public-privé sur la Covid-19 qui a rendu les relations plus simples, avec un sens des responsabilités communes fort vis-à-vis de la crise sanitaire. J’aimerais que cette proximité perdure. 

Propos recueillis par Florent Detroy

Inserm Transfert en chiffres (2019) 

  • 300 : contrats de R&D signés en 2019
  • 100 : licences signées en 2019
  • 25 : projets en pré-maturation financés par an
  • 263 : projets innovants des équipes Inserm détectés 
  • 90 : spin-off de l’Inserm créées

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