Alexandre Moulin (IRT Bioaster) : « l’antibiorésistance est déja une pandémie de fait »

11 mai 2020

Alexandre Moulin, directeur de l’IRT Bioaster

L’IRT Bioaster est le seul institut de recherche technologique dédié à la santé. Partenaire de plusieurs projets de recherche contre le Covid-19, l’IRT veut jouer un rôle central dans la préparation de nos économies aux crises sanitaires. Son directeur adjoint nous explique quels types de projets l’IRT est en train de mettre en place, et comment sa structure veut participer au « monde d’après ».

Quelles compétences scientifiques l’IRT a-t-il mobilisées contre le Covid-19 ?

Tout d’abord, l’IRT est compétent sur une large palette de technologies, comme les « omics » (génomique, protéomique…), l’immunologie, le data management, la microbiologie ou, encore, la microfluidique… Nous mobilisons ces compétences autour de quatre domaines d’application : les vaccins, le microbiote, le diagnostic, et l’antimicrobien. Et sur ces quatre secteurs, il existe pour chacun un enjeu concernant le Covid-19. Par exemple on suspecte un lien entre la composition du microbiote et la gravité des cas de Covid.

Quel rôle avez-vous joué depuis le début de la crise sanitaire ?

Au début de la crise, nous avons proposé notre aide aux hôpitaux. Nous avons dû rapidement arrêter, car nous nous sommes rendu compte qu’il aurait été trop long d’adapter nos équipements et nos protocoles à leurs besoins immédiats. Et ce d’autant plus que nous ne sommes pas des spécialistes du virus. Mobiliser de l’équipement à ce moment-là aurait pu créer des pénuries pour la suite. Nous avons finalement fait une offre de services en dehors des soins. Nous travaillons, par exemple, avec Le Centre national de référence (CNR) de Lyon pour valider des tests de diagnostic proposés par les industriels. Nous les aidons, notamment, sur la partie bio-informatique. Ce sont des projets à court terme.

Comment les entreprises partenaires de l’IRT ont-elles réagi ?

Les entreprises ont d’abord mobilisé leurs équipes internes face à la crise, et elles ont fait évoluer leurs produits. Depuis quelques semaines, nous avons repris le travail avec elles sur des projets collaboratifs. Nous allons mener des actions pour valider de nouveaux produits, ou développer de nouvelles solutions. Ce sont des projets conjoints, mais à plus long terme.

Par exemple ?

Nous avons des programmes sur les diagnostics ou sur du repurposing (repositionnement) de molécule. Nous pouvons valider l’efficacité d’une molécule contre le Covid-19 par exemple. Après, ces travaux sont au stade du prédéveloppement industriel, ils demandent encore du temps pour être développés. Rien ne sortira avant l’automne 2020, voire 2021, pour les vaccins. Des entreprises sont aussi venues nous voir avec des solutions incomplètes et nous les aidons à trouver des partenaires pour accélerer le développement de leur produit.

Quel va être le rôle de l’IRT dans l’après-crise ?

Nous travaillons sur les risques nouveaux qui pourraient apparaître, comme celui de la réinfection des personnes ayant été atteintes par le Covid-19. Nous ne connaissons pas encore la gravité de cette potentielle réinfection. Or, il faut anticiper très vite ce risque, par exemple pour la mise au point de nouveaux vaccins.

Comment la crise a-t-elle changé votre manière de travailler ?

Le sens de l’urgence a modifié la façon dont nos partenaires collaborent. Tout le monde s’est mis à travailler plus vite ensemble, les hôpitaux, la recherche, les entreprises. Plus généralement, nous sentons une attente des industriels concernant le besoin de fédérer et de mutualiser leurs recherches. La crise sanitaire est aussi une crise économique. Mutualiser les coûts va devenir de plus en plus important. Nos fondateurs, aujourd’hui, sont tous ensemble autour de la table pour parler du Covid-19.

Comment pensez-vous pérenniser les acquis de cette période ?

Cette crise rappelle à tous que les maladies infectieuses sont terriblement d’actualité. D’ailleurs, l’antibiorésistance est déja une pandémie de fait. Pour l’instant, ces sujets n’intéressent que les professionnels de santé, mais la crise actuelle pourrait créer une prise de conscience générale.

Propos recueillis par Florent Detroy

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