Benoit Guyon, directeur des partenariats R&T Safran : « Nous sommes le premier utilisateur industriel de thèses Cifre »

14 janvier 2020

Benoit Guyon @Safran

Les points à retenir : 

  • Safran Tech structure les liens du groupe avec la recherche publique
  • L’entreprise a noué entre 200 et 300 collaborations avec la recherche 
  • Elle a signé près de 180 thèses Cifre 
  • Safran a créé des réseaux thématiques de laboratoires, baptisés « indiens »

Safran caracole depuis plusieurs années en tête du classement des principaux déposants de brevets en France. Ce succès est le résultat d’un investissement conséquent en « Recherche & Technologie », il devrait atteindre plus de 600 millions d’euros en 2022, et des nombreux liens créés par le groupe avec la recherche académique, en France et à l’étranger. Le directeur des partenariats R&T de Safran décrypte pour nous comment le groupe s’est imposé comme un partenaire clef de la recherche française.

POC Media. Comment a évolué la stratégie des partenariats R&T de Safran ces dernières années ?
Benoit Guyon*
. L’évolution la plus récente vient de la réorganisation de la recherche de Safran autour de Safran Tech, qui a été créée en 2015. Avant cette date, la recherche était gérée par les BU [Business Unit]. Or elles devaient aussi s’occuper de l’opérationnel. La création de Safran Tech a permis de renforcer et de structurer nos liens avec la recherche, même si Safran Tech n’est pas notre seul point de contact avec celle-ci.

Quelles sont les raisons qui conduisent Safran à nouer un partenariat académique ?
Ces collaborations sont essentielles à notre activité, car elles nous permettent de rester à la pointe de nos domaines scientifiques. Et ces champs scientifiques sont vastes. Il existe des domaines historiques, comme les matériaux ou la mécanique, où les collaborations sont anciennes. Aujourd’hui les collaborations ont tendance à s’élargir. Le numérique par exemple, ou les données, sont moins dans notre ADN, et les collaborations nous permettent, non pas de rattraper notre retard, mais d’intensifier nos recherches. Dans l’intelligence artificielle par exemple, nous nous y mettons au même temps que tout le monde.

« Nous sommes un gros consommateur

de chaires industrielles »

Benoit Guyon

Quels sont les outils que vous privilégiez pour collaborer avec la recherche publique ?
Cela dépend des collaborations. Nous en avons entre de 200 et 300, au total. Quelques-unes seulement sont qualifiées de « stratégiques », du fait de leur intensité. Nous avons ainsi signé des accords-cadres avec ces partenaires, et nous pilotons même les programmes de recherche avec eux. Nous utilisons également nos « réseaux thématiques », que nous appelons les « indiens », car ils ont tous été baptisés d’un nom d’indien. Ces outils permettent de fédérer plusieurs laboratoires sur des thématiques importantes pour nous. C’est le cas par exemple avec le réseau « Inca », qui travaille sur la combustion, et qui regroupe des laboratoires du CNRS, mais aussi un laboratoire de CentraleSupelec, ainsi que le CERFACS à Toulouse. Nous en avons 4 ou 5.

Utilisez-vous des outils plus « classiques », comme les laboratoires communs ?
Nous avons effectivement créé quelques laboratoires communs, même s’ils ne sont pas nombreux. Nous créons un laboratoire commun lorsque nous voulons cibler une collaboration à fort potentiel scientifique. C’est le cas par exemple pour le traitement de surface, domaine sur lequel nous avons créé un laboratoire commun l’année dernière avec l’université de Limoges [Protheis, laboratoire commun avec Oerlikon, le CNRS et l’Université de Limoges]. Nous sommes enfin un gros consommateur de chaires industrielles, comme dans les matériaux ou l’acoustique. Nous avons également des chaires de mécénat. C’est le cas de la chaire BigMeca lancée récemment avec Mines Paristech (Voir POC Media), et qui associe l’apprentissage machine et les matériaux.

Safran a noué également de nombreux partenariats académiques à l’étranger, notamment aux États-Unis. Quelles différences constatez-vous entre la recherche académique américaine et française ?
Aux Etats-Unis, les laboratoires des grandes universités ont une plus grande aptitude à monter des projets, même de taille modeste, avec des résultats assez concrets. Ils ont une approche moins théorique. Nous le constatons avec notre partenaire Georgia Tech, avec qui nous avons travaillé sur la modélisation d’aéronefs par exemple. Les IRT et les ITE ont été créées en France notamment pour combler ce manque en matière de recherche appliquée. Ce sont des outils assez complexes, mais ils nous permettent en tout cas de mutualiser des projets. Ce sont des outils auxquels nous croyons. Nous avons d’ailleurs la présidence de l’IRT M2P depuis l’année dernière.

« Nous croyons beaucoup à la formation

par la recherche »

Benoit Guyon


En quoi la dimension « recrutement » oriente-t-elle la décision de s’associer à un acteur académique ?
C’est très lié. Nous croyons beaucoup à la formation par la recherche. Nous avons d’ailleurs près de 180 thèses Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) en cours. Nous sommes le premier utilisateur industriel de thèses Cifre. A l’inverse, là où il y a une collaboration sur la recherche, nous demandons à ce qu’elle soit visible auprès des étudiants. Ce n’était pas vraiment le cas jusqu’à récemment, mais ça progresse. Par exemple, Mines Paristech a réformé récemment son cursus d’ingénieur civil, et ils ont intégré un semestre de recherche. C’est important, car lorsque l’ingénieur sort de l’école, il nous connaît déjà.

Propos recueillis par Florent Detroy

Biographie*. Benoit Guyon est diplômé de Mines ParisTech, promotion 1983. Il rentre très tôt chez Safran, où il occupe différents postes techniques (bureaux d’études, responsable conception…) pendant une quinzaine d’années. Il devient ensuite directeur technique pour plusieurs filiales du groupe, et part également à l’international. Il occupait le poste de Directeur du management des capacités technologiques du groupe avant de prendre les rênes des partenariats.

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