Brevets : Les PME européennes sont-elles dans la course de la 4ème révolution industrielle ?

30 juin 2022

Une étude, réalisée par l’Office européen des brevets (OEB) et la Banque européenne d’investissement (BEI), vient de dresser un état des lieux des PME qui investissent dans le développement de nouvelles technologies liées à la quatrième révolution industrielle (4RI). Positionnement de l’UE par rapport aux États-Unis, atouts et faiblesses des PME 4RI européennes, recommandations de l’OEB et de la BEI… Tour d’horizon des principales conclusions de ce rapport intitulé « Deep Tech innovation in smart connected technologies ».

À l’aide des données sur les brevets et d’une enquête à grande échelle, l’étude de l’OEB et de la BEI analyse la contribution des PME européennes dans la deeptech 4RI de 2010 à 2018, et compare ces entreprises à leurs homologues outre-Atlantique. La quatrième révolution industrielle couvre, entre autres, l’Internet des objets, l’informatique en nuage, la 5G et l’intelligence artificielle.

L’Union européenne à la traîne

L’étude montre que l’UE est en retard par rapport aux États-Unis concernant l’activité des PME dans la deeptech liée à la 4RI. Les PME de l’UE ont contribué à 10 % de toutes les familles de brevets internationales (FBI) dans les technologies 4RI issues de l’UE, tandis que les PME 4RI américaines représentaient 16 % de la contribution de leur pays. Cependant, entre 2010 et 2018, le volume de demandes de brevets relatives à la 4RI déposées par les PME européennes a progressé rapidement, avec un taux de croissance annuel moyen proche de 20 %.

« Cette forte dynamique en Europe s’explique, d’une part, par l’arrivée à maturité depuis 2010 d’une constellation de technologies de ruptures (big data, informatique en nuage, intelligence artificielle, Internet des objets) et, d’autre part, par le vaste éventail d’applications que ces technologies permettent de développer et déployer dans quasiment tous les secteurs de l’économie. Les demandes de brevets liées aux objets intelligents et connectés représentent désormais plus de 10 % de l’ensemble des demandes de brevets », explique Yann Ménière, économiste en chef de l’Office européen des brevets.

L’Union européenne moins spécialisée

Néanmoins, en dépit d’une activité de brevetage dynamique, le bloc de l’UE est le moins spécialisé dans l’innovation technologique 4RI par rapport à sa capacité d’innovation globale, et contrairement aux centres mondiaux d’innovation de premier rang que sont les États-Unis, le Japon, la Chine ou la Corée du Sud. L’Europe est également à la traîne derrière les États-Unis en nombre de PME 4RI. L’étude comptabilise 6 517 entités aux États-Unis, déposant des demandes de brevets dans des dispositifs intelligents et connectés, contre 2 634 sociétés en UE.

Pour Yann Ménière, « dans l’ensemble, l’Europe est restée un acteur secondaire de la première révolution numérique. Elle compte peu de champions internationaux dans ce domaine en comparaison avec les États-Unis, la Corée ou la Chine qui se sont spécialisés dans ce domaine. La présence de ces leaders a un effet d’entraînement sur les clusters régionaux dans lesquels ils sont implantés et, par conséquent, sur les PMEs actives dans ce secteur. Cela se traduit en Europe par les performances de la Suède et de la Finlande, les deux seuls pays ayant une entreprise dans le top 10 mondial des déposants de brevets 4IR, respectivement, Ericsson et Nokia ».

Au sein de l’UE, des différences fortes apparaissent entre pays. L’Allemagne (570), la France (400) et l’Italie (273) recensent le plus de PME actives dans les technologies 4RI. Certains pays plus petits, comme la Finlande (268) et la Suède (234) devancent d’autres États membres de l’UE, et même les États-Unis lorsque l’on fait le ratio avec la taille de leur économie. Hors de l’UE, le Royaume-Uni (950), la Suisse (254) et la Norvège (117) sont également bien positionnés.

Manque de financements et de personnels

En Europe, une PME 4RI sur trois estime que l’accès insuffisant aux financements et le manque de personnel qualifié freinent leur développement commercial. L’étude identifie également trois trois obstacles majeurs capables de freiner plus encore ces acteurs : une forte intensité d’investissement, des coûts de développement élevés et un délai de commercialisation long.

L’importance de la PI pour lever une partie de ces obstacles est également soulignée. D’après l’étude, 49 % des PME 4RI jugent les brevets pertinents pour obtenir des financements et 80 % considèrent que leurs investisseurs leur demandent une stratégie en matière de droits de propriété intellectuelle (DPI). D’ailleurs, une autre enquête de l’OEB, publiée en 2021, souligne que les PME titulaires de DPI génèrent un chiffre d’affaires par employé 68 % plus élevé que celles qui n’en détiennent pas.

Le profil type de la PME 4RI

En Europe, 80 % des PME 4RI emploient moins de 50 personnes et 60 % existent depuis plus de dix ans. Leurs activités englobent les secteurs de la santé, du transport et des technologies propres, mais aussi l’analyse de données. Elles sont actives, pour 44 % d’entre elles, dans la production manufacturière.

Et pour 57 % des PME européennes, l’Europe est le marché offrant le meilleur potentiel de croissance ; 24 % seulement citent les États-Unis. Les PME américaines désignent, quant à elles, leur marché domestique comme prioritaire pour leur croissance. Seulement 10 % d’entre elles considèrent l’Europe comme leur principal débouché dans le futur.

Principales recommandations pour l’Europe

Le rapport préconise un certain nombre de solutions pour promouvoir l’innovation dans les technologies intelligentes et connectées en Europe.

Les principales recommandations stratégiques sont :

  • La mise en place des subventions ciblées et des politiques de déploiement à un stade précoce pour aider les jeunes start up de la filière 4RI ;
  • le déploiement de levées de fonds plus importantes au profit des entreprises ayant atteint un stade ultérieur de leur développement ;
  • le renforcement de la collaboration européenne en matière de propriété intellectuelle, avec, par exemple, l’instauration du brevet unitaire au sein de l’UE ;
  • la promotion des compétences numériques et une offre élargie de formation initiale et continue.

« Les brevets aident les PME 4RI européennes à protéger leurs technologies, et aussi à lever des capitaux. Dans ces conditions, un accès facilité à la protection par le brevet à l’échelle du marché unique européen est un facteur de succès important pour ces entités. La création, très prochainement, du brevet unitaire européen constitue une avancée majeure de la collaboration européenne en ce sens », précise Yann Ménière.

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