Ioana Ocnarescu (École Strate) : « Nous avons inventé un format de laboratoire commun »

14 septembre 2020

L’École de design Strate, installée à Sèvres et à Lyon, a développé un modèle unique de « laboratoire commun », fondé sur des financements privés. Devant le succès de cet outil, l’école a décidé de dupliquer la structure pour soutenir les collaborations en matière de robotique et, bientôt, d’innovation dans les territoires. Ioana Ocnarescu, directrice de la recherche, revient sur les spécificités de ce modèle et sur les projets en cours de développement.

Comment votre école a-t-elle été amenée à créer son propre modèle de « laboratoire commun » ?

Nous avons déposé un projet à l’ANR pour créer un laboratoire commun sur le design, mais nous n’avons pas été retenus. Nous avons donc décidé de nous adresser directement aux entreprises. Nous avons ainsi rassemblé des industriels, qui financent le laboratoire commun et embauchent des doctorants en thèse Cifre, des académiques, avec lesquels nous codirigeons les thèses, et enfin, nous avons trouvé les étudiants doctorants. C’est ainsi qu’est né l’Exalt Design Lab en 2017 (voir ci-dessous). Nous avons inventé un format de laboratoire commun qui nous convenait.

Quels types de projets ont été menés par ce laboratoire ?

Exalt Design Lab a été créé en 2018, et a permis de lancer cinq thèses Cifre. Par exemple, Carrefour a travaillé sur la possibilité de créer une culture de l’innovation grâce au design et à son intégration en entreprise. La MAIF s’est, elle, posée la question de devenir une « experience company », et comment utiliser le design comme levier de transformation stratégique. Prisma Media nous a rejoint depuis, et nous avons lancé une sixième thèse.

Comment est né le deuxième laboratoire commun, sur la robotique, lancé fin 2019 ?

Après un doctorat Cifre, j’ai rejoint l’école en tant que chercheuse. J’ai créé le département de recherche de Strate, et j’ai pu travailler sur le projet Romeo 2 (projet PSPC lancé en 2012 pour une période de quatre ans, portant sur l’acceptabilité d’un robot humanoïde de grande taille au domicile de personnes en situation de perte d’autonomie). Le projet était porté par Aldebaran, aujourd’hui SoftBank Robotics. Nous sommes ainsi devenus un acteur reconnu dans le secteur de la robotique d’assistance. Plusieurs entreprises sont venues nous voir pour travailler sur cette thématique, et nous avons lancé plusieurs programmes de recherche. Nous avons finalement décidé de créer, fin 2019, le laboratoire commun Robotics by Design Lab, sur le modèle d’Exalt Design Lab.

Quelles sont les thématiques développées par le laboratoire ?

Ce laboratoire commun est consacré à l’IA et à la robotique. Il a été monté avec trois partenaires académiques (Ensta Paris, Upec et Cesi) et cinq partenaires industriels (Korian, la SNCF, BNP Paribas Cardiff, Frog-Altran et Spoon). Comme pour Exalt Design Lab, quatre thèses sont en train de se mettre en place.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples de travaux ?

Korian et la Fondation Korian travaillent sur l’amélioration du quotidien du personnel soignant des Ehpad, grâce à la robotique. Avec la SNCF, nous avons lancé une thèse sur la robotique « Ikigaï », qui signifie littéralement « joie de vivre et raison d’être », afin de faciliter les tâches de leurs opérateurs avec des robots.

Travaillez-vous en collaboration avec des acteurs académiques ?

Nous avons un interlocuteur public presque pour chaque projet de recherche, mais nous n’avons pas d’école doctorale en design. Les designers mènent donc leurs recherches dans d’autres écoles, comme Telecom Paris ou Ensta Paris. Par exemple, nous réalisons une thèse commune avec Frog-Altran et Cardif de BNP Paribas. Il s’agit d’une thèse sur les liens des personnes âgées avec leurs animaux de compagnie, et la capacité de la robotique à prendre soin de l’animal. On collabore ainsi avec le laboratoire LISSI (Laboratoire images, signaux et systèmes intelligents) de l’Université Paris-Est Créteil sur ce sujet.

Comptez-vous développer de nouveaux laboratoires ?

Oui, car ces laboratoires communs fonctionnent bien. Nous avions lancé l’Exalt Design Lab pour une période de quatre ans, mais plusieurs entreprises veulent le maintenir. Nous sommes en discussion avec d’autres partenaires qui souhaiteraient rejoindre le laboratoire. Nous avons donc décidé de repartir pour quatre nouvelles années. Nous avons également un projet de troisième laboratoire, Plasti.city Design Lab, qui serait dédié à l’innovation dans les territoires et la plasticité des lieux de vie. Pour ce laboratoire, nous avons d’ailleurs bénéficié d’un financement Tiga (Territoires d’innovation de grande ambition) de l’ordre de 240 000 euros. Nous pourrions développer par exemple un axe de recherche sur la smart-soft city. La crise que nous sommes en train de vivre nous questionne aussi profondément sur ces thématiques de ville intelligente et de souplesse résiliante.

Exalt Design Lab L’Exalt Design Lab a été créé en 2018, pour une période de quatre ans. Il s’agissait du premier laboratoire de valorisation du design en entreprise. Il a été lancé à l’initiative de l’École de design Strate, en partenariat avec les acteurs académiques Télécom ParisTech et l’École polytechnique, et les entreprises Carrefour, Otis, la Maif, InProcess et Emakina. Son objectif : favoriser l’intégration du design au sein des entreprises, et leurs réflexions stratégiques. Tous les projets sont menés dans les locaux de l’entreprise partenaire.

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