Les universités veulent pousser l’entrepreneuriat étudiant

28 juin 2021

Colloque organisé par l’Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC), le 23 et 24 juin à Arc-et-Senans (Doubs). De gauche à droite : Christophe Schmitt, VP Entrepreneuriat de l’Université de Lorraine, Anne Fraïsse, Présidente de l’Université Montpellier 3, Dominique Grevey, président de l’UBFC, et Pascale Brenet, vice-présidente Entrepreneuriat et innovation de l’UBFC

La Conférence des présidents d’université (CPU) a organisé, les 23 et 24 juin, un colloque avec le réseau des vice-présidents « Entrepreneuriat » de plusieurs universités. Cet événement a permis de dresser un état des lieux de cette activité encore récente pour les universités, et de s’inscrire dans l’émergence de la « troisième mission » des universités dédiée à l’innovation.

Sensibiliser et accompagner les étudiants à l’entrepreneuriat : telle est la mission, entre autres, des universités. La création des Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pepite), la création du statut d’étudiant-entrepreneur et, en 2019, du Plan esprit d’entrepreneur ont fourni des armes aux universités pour susciter des vocations. Le métier de responsable entrepreneurial est encore jeune, et ce colloque a permis de faire émerger des bonnes pratiques, tout en dégageant des pistes d’évolution.

Des stratégies encore très contrastées
La CPU a produit quelques chiffres sur le nombre et l’évolution des étudiants passés par les différents dispositifs de soutien à l’entrepreneuriat, au premier rang desquels Pepite. En 2019, 64 universités ont mis en place une stratégie de soutien à l’entrepreneuriat. Près de 6 % des effectifs étudiants (120 000) ont été sensibilisés à l’entrepreneuriat et 4 600 ont été accompagnés dans un projet. Côté université, 1 600 personnes sont impliquées dans cette activité, dont 33 directeurs de Pepite, 36 VP Entrepreneuriat et 905 « accompagnateurs et mentors ». Pour ce réseau, l’enjeu, aujourd’hui, est d’arriver à toucher un plus grand nombre d’étudiants, tout en les accompagnant le plus loin possible.

L’activité de soutien à l’entrepreneuriat est toutefois récente au sein des universités, et les pratiques manquent d’homogénéité. Les titres des responsables de l’entrepreneuriat en témoignent. Les responsables Pepite peuvent être vice-présidents « entrepreneuriat », mais aussi vice-président « partenariats/innovation/développement économique », « valorisation » ou encore « insertion professionnelle ». Les établissements avancent aussi à des rythmes différents dans le déploiement de cette activité, en fonction de leurs ressources, de leurs stratégies ou du soutien apporté par l’écosystème. Le réseau des VP Entrepreneuriat a également admis que la précarité des emplois et la faible reconnaissance de ce métier demeurent des freins à l’essor de cette activité.

Passerelles vers la recherche
Le colloque a aussi été l’occasion de présenter quelques initiatives particulières en faveur du soutien à l’entrepreneuriat. L’Université de Normandie a, par exemple, connecté le dispositif Pepite au programme Disrupt Campus, qui propose des formations à l’entrepreneuriat, notamment dans le numérique. Ainsi Disrupt Normandy incite les étudiants à répondre à appels à projets lancés sur des problématiques réelles apportées par des entreprises. « L’objectif est de soutenir la transformation numérique de ces entreprises », explique Mathieu Luet, VP Entrepreneuriat au sein de Normandie Université. La dernière édition de l’appel Innovate, à destination de l’écosystème de Caen, a mobilisé huit entreprises et près de 80 étudiants. L’Université de Paris développe un incubateur de projets étudiants. Cet « petite station F », de 150 m2, a pour premier objectif de « démystifier l’entrepreneuriat », selon Nicolas Lomenie, responsable du programme étudiant – entrepreneur au sein de l’université.

Le transfert de technologie intéresse de plus en plus tôt les étudiants

Laurent Gautier

Tout cela s’inscrit dans une réflexion plus globale autour de la « troisième mission » des universités : l’innovation. Elles déploient déjà une activité importante pour sensibiliser et accompagner les chercheurs dans la valorisation de leurs travaux. Les efforts des Pepite ont ainsi vocation à « s’interfacer » avec les activités pour la valorisation des chercheurs. Le Plan « Esprit d’entrepreneur » encourageait d’ailleurs à ce que la formation à l’entrepreneuriat aille jusqu’aux doctorants. Sur le terrain, plusieurs initiatives sont en cours. « Le transfert de technologie intéresse de plus en plus tôt les étudiants. Nous avons ainsi renforcé notre action de détection avec la Satt Sayens à destination des étudiants de M1, de M2 et des doctorats », indique Laurent Gautier, VP Valorisation de l’Université de Bourgogne. L’objectif est, à terme, de mener une action intégrée. « Je veux mettre en place une chaîne complète, qui va de l’initiation de l’étudiant à l’entrepreneuriat, jusqu’à la potentielle création d’entreprise », poursuit Laurent Gautier.

Plusieurs universités développent ainsi des programmes mixtes, associant entrepreneuriat étudiant et recherche. L’Université de Lorraine, par exemple, essaie « d’environnementer » les projets des étudiants-entrepreneurs par la recherche. Elle a lancé depuis 2017 le programme Global incubation, qui permet de connecter des projets d’étudiants entrepreneurs à des laboratoires. L’étudiant peut ainsi renforcer l’atout technologique de son projet, et obtenir des aides de Bpifrance ou de la Satt. « Nous avons réussi à amener des projets à la recherche, qui n’étaient pas destinés à l’être au début », souligne Christophe Schmitt, VP Entrepreneuriat au sein de l’Université de Lorraine. L’Université de Paris souhaite également construire des ponts avec la recherche. Le Pepite de l’université, avec sept autres Pepite franciliens, a par exemple lancé l’appel à projets Zeugma, qui finance à hauteur de 10 000 € des projets d’entreprises d’étudiants ou de doctorant, incluant obligatoirement une composante recherche.

Trois questions à Pascale Brenet, vice-présidente « Entrepreneuriat et innovation » au sein de l’Université Bourgogne Franche-Comté, et organisatrice du colloque.

L’entrepreneuriat a-t-il trouvé sa place au sein des universités françaises ?
La connaissance et la reconnaissance du dispositif Pepite progressent. Nous le constatons, car nous sommes de plus en plus sollicités par des étudiants. En 2014, de nombreux établissements partaient d’une feuille blanche sur les questions d’entrepreneuriat. Aujourd’hui, un grand nombre d’étudiants et de chercheurs ont été accompagnés, et notre action profite de la force de l’exemple. Cette tendance permet d’établir de bonnes connexions avec les activités de formation et d’insertion professionnelle des universités.

Comment développer plus encore l’entrepreneuriat au sein de l’université ?
Nous devons élargir les publics concernés, en nombre et en diversité, notamment en nous adressant davantage aux filières des sciences humaines et sociales. Nous devons également élargir l’échelle de notre action, en mutualisant nos ressources et en créant des actions hybrides, par exemple avec de la pédagogie par projets. Enfin, nous avons besoin de ressources humaines, pour être capables de répondre à toutes les sollicitations que nous recevons.

Comment créer un continuum entre l’entrepreneuriat étudiant et chercheur ?
Les liens avec les activités de création de spin-offs ou de valorisation des travaux de jeunes chercheurs sont encore émergents. Mais nous remarquons que l’entrepreneuriat devient une priorité pour certaines écoles doctorales.

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